Y a-t-il un marché pour les produits biologiques provenant d’Afrique ?
Les consommateurs sont prêts à payer un meilleur prix pour une meilleure qualité. C’est là l’un des nombreux bénéfices qu’offre l’agriculture bio aux agriculteurs des pays en voie de développement, avec l’exportation de produits bio vers les marchés de luxe des pays industrialisés. La demande en produits biologiques est croissante depuis plus de vingt ans et offre un énorme potentiel de revenu pour les entreprises de production, de transformation et de négoce du monde entier. Les produits certifiés bio permettent d’accéder à des marchés locaux et internationaux attrayants, dans lesquels on peut fixer des prix plus élevés et gagner plus. En conséquence, les produits bio d’Afrique sont actuellement exportés vers de nombreux pays, particulièrement en Europe, et sont présentés avec succès à des salons internationaux. Le marché d’exportation biologique demeure toutefois peu accessible aux agriculteurs d’Afrique, et les marchés domestiques sont encore modestes. Il est donc essentiel d’améliorer l’accès au marché et de développer les marchés à l’échelle domestique et internationale.
Demande en produits biologiques
Les marchés biologiques se sont développés rapidement ces dernières décennies, en particulier dans les pays plus riches. Parmi les raisons de cette croissance, on trouve :
- Une plus grande demande des consommateurs en nourriture saine et de production durable, qui a entraîné d’importants investissements de la part des détaillants pour mieux faire connaître ces produits aux consommateurs, et
- Un soutien public accru au secteur biologique, visant à mettre en place un cadre réglementaire qui profite aussi bien aux agriculteurs qu’aux consommateurs et qui implique des subsides et mécanismes de contrôle pour assurer la protection des consommateurs.
Amérique du Nord et Europe : la plus forte demande en produits bio
Les ventes mondiales d’aliments et boissons bio ont augmenté de cinq à dix pourcent par année pour atteindre 106 milliards d’euros en 2019. Les revenus mondiaux ont triplé depuis 2009. Dans la plupart des pays, le marché continue de s’agrandir. La demande en produits bio est concentrée en Amérique du Nord et en Europe ; à elles seules, ces deux régions regroupent 97 pour cent des revenus mondiaux. L’Asie, l’Amérique latine et l’Australasie sont d’importants producteurs et exportateurs de nourriture biologique.
Le plus grand marché biologique, et de loin, est les États-Unis, suivi en Europe par l’Allemagne et la France. Bien que ces pays soient eux-mêmes d’importants producteurs bio, ils offrent d’énormes opportunités pour les pays exportateurs – surtout pour les cultures qui ne peuvent pas pousser dans les pays demandeurs ainsi que pour les produits hors-saison.
Le soutien à l’agriculture biologique est particulièrement fort en Europe et en Amérique du Nord, où les consommateurs connaissent bien ce type d’agriculture et les avantages des produits biologiques. C’est pourquoi l’Amérique du Nord, l’Union européenne, la Suisse et le Japon sont les plus grands marchés de produits bio ; leurs réglementations respectives jouent un rôle crucial, non seulement dans ces pays mais également dans les pays exportateurs.
1 US dollar = 0.71895 Euros; average exchange rate 2009, Source: http://www.oanda.com/lang/de/currency/average
2 FiBL and IFOAM (2011): The World of Organic Agriculture 2011. Statistics and Emerging Trends. Edited by Helga Willer and Lukas Kilcher: International Federation of Organic Agriculture (IFOAM), Bonn, and Research Institute of Organic Agriculture (FiBL), Frick.
Opportunité A - Marché d'exportation
La croissance rapide du marché mondial de produits bio offre de plus en plus d’opportunités de commerce pour les agriculteurs bio africains. En fait, les produits certifiés biologiques originaires d’Afrique sont pour la plupart destinés aux marchés d’exportation. La grande majorité de ces produits est exportée vers l’Union européenne, le principal marché pour les produits agricoles d’Afrique.
La plupart du temps, vu la dominance des petits exploitants en Afrique, la chaîne d’approvisionnement typique est constituée d’une entreprise privée qui gère une multitude de petits exploitants comme sous-traitants afin d’assurer des quantités suffisantes pour l’exportation, ou alors des agriculteurs collaborent sur un projet d’approvisionnement et d’emballage pour des sociétés d’export.
En Tanzanie par exemple, les exportations sont surtout destinées à l’Union européenne et aux États-Unis. En tonnes, les fruits à coque lourds tels que le cacao, les noix de cajou et le café sont les principaux produits d’exportation. En termes économiques, le cacao, les noix de cajou, la vanille et le thé sont les principaux produits exportés.
L’élément moteur pour l’exportation des produits bio est la volonté croissante des grands détaillants et sociétés de transformation d’élargir leur assortiment biologique. Les consommateurs ne devraient pas seulement pouvoir acheter des produits bio frais, mais également différentes sortes d’aliments prêts à consommer variant des pizzas congelées aux mélanges de céréales pour le petit déjeuner. Comme la croissance rapide de tels aliments préparés implique l’achat d’un large éventail d’ingrédients bio, les pays ont commencé à se spécialiser dans certains ingrédients, notamment : les herbes et épices médicinales, les fruits et champignons séchés, les arômes et les édulcorants.
3 US Dollar = 0.71895 Euros; average exchange rate 2009. Source: www.oanda.com
4 Bouagnimbeck, Hervé: Organic Farming in Africa. In FiBL and IFOAM (2010): The World of Organic Agriculture 2010. Statistics and Emerging Trends. Edited by Helga Willer and Lukas Kilcher: International Federation of Organic Agriculture (IFOAM), Bonn, and Research Institute of Organic Agriculture (FiBL), Frick
Séance de brainstorming : les marchés d'exportation pour les produits biologiques d'Afrique
Engagez les participants dans une discussion sur les marchés d'exportation des produits biologiques. Laissez-les élaborer et partager leurs idées sur la base des questions suivantes :
- Pourquoi la grande majorité des produits biologiques africains sont-ils exportés ?
- Que pourrait-on faire pour promouvoir davantage les exportations ?
Opportunité B - Marché domestique
Bien que le marché soit encore modeste pour les produits bio en Afrique, on observe une croissance des marchés bio domestiques dans le continent. Les marchés biologiques locaux sont généralement situés près des capitales et des grandes villes. La plupart des consommateurs qui connaissent et apprécient le biologique sont des étrangers et des citoyens de la classe moyenne supérieure, avec des valeurs semblables à celles des consommateurs de bio européens. Parmi les produits bio commercialisés, on compte les fruits et légumes frais, les produits laitiers, la viande, le vin, les herbes et les articles d’hygiène personnelle. En Tunisie et en Égypte, certaines boutiques spécialisées et chaînes de supermarchés (Metro et Carrefour) ont des sections bio. De même, les boutiques bio d’Afrique du Sud, du Kenya, de l’Ouganda et du Ghana sont en train d’élargir leur assortiment et jouent donc un rôle grandissant dans le marché bio domestique. En Zambie, les agriculteurs bio vendent leurs produits sur des marchés agricoles locaux ou à des supermarchés urbains. Il ne fait aucun doute qu’avec une prise de conscience accrue du public, le potentiel des marchés locaux ou domestiques augmentera pour les produits bio. Cependant, peu de pays africains ont articulé une stratégie de promotion concrète pour les marchés domestiques.
En Ouganda, les produits bio destinés au marché domestique sont vendus dans des points de vente tels que des supermarchés, restaurants, écoles internationales ou marchés ouverts. Une grande variété de produits biologiques est fournie par des petits exploitants et transformateurs sur le marché domestique. Il s’agit notamment de café, de produits apicoles, de fruits et légumes frais et de fruits secs. Au fil des ans, la demande en produits biologiques a augmenté constamment. Pour des produits tels que les fruits secs bio, la demande dépasse largement l’offre. On consomme de plus en plus de produits tels que le café arabica bio dans des restaurants et cafés. Par le biais d’un système de livraison de paniers de l’un des magasins bio (boutique NOGAMU), des fruits et légumes frais et d’autres produits biologiques (p. ex. sésame, épices, thés, concentrés de fruits) sont fournis sur commande aux clients. Les clients passent leurs commandes par téléphone ou courriel et les paniers sont préparés et livrés sur le pas de leur porte.
L’élément moteur du marché domestique bio est l’expansion rapide des grandes chaînes de détaillants. En ciblant les consommateurs de la classe supérieure dans les zones urbaines – y compris les étrangers et les citoyens nationaux instruits, ces chaînes tentent de plus en plus de répondre à l’intérêt des consommateurs pour une qualité supérieure, notamment biologique. Alors que la concurrence augmente entre différentes chaînes de détaillants, certaines d’entre elles sont plus motivées à promouvoir le biologique, dans le cadre d’une stratégie pour attirer la clientèle et se distinguer de leurs principaux concurrents par une image plus favorable. La fraîcheur étant perçue comme un critère majeur de qualité, surtout pour les fruits et légumes, les marchés de rue peuvent aussi devenir des vecteurs importants de la nourriture bio – surtout s’ils sont bien situés, près de consommateurs plus aisés – s’ils sont bien gérés et assurent la qualité par l’hygiène et des vendeurs fiables.
Séance de remue-méninges : les marchés intérieurs pour les produits biologiques d'Afrique
Engagez les participants dans une discussion sur les marchés nationaux des produits biologiques. Laissez-les élaborer et partager leurs idées sur la base des questions suivantes :
- Pourquoi le marché domestique est-il encore petit dans de nombreux pays africains ?
- Que pourrait-on faire pour promouvoir les marchés intérieurs ?
Données mondiales sur la production biologique
Les principaux résultats de la dernière enquête mondiale sur l'agriculture biologique certifiée (données de 2009) montrent que 37,2 millions d'hectares de terres agricoles sont gérés de manière biologique. Environ 160 pays ou zones/territoires déclarent des activités d'agriculture biologique. Les régions ayant les plus grandes superficies de terres agricoles gérées biologiquement sont l'Océanie (12,2 millions d'hectares), l'Europe (9,3 millions d'hectares) et l'Amérique latine (8,6 millions d'hectares). Les pays qui possèdent le plus de terres agricoles biologiques sont l'Australie, l'Argentine et les États-Unis. Dans le monde, 0,9 pour cent des terres sont biologiques ; les parts les plus élevées de terres agricoles gérées biologiquement se trouvent dans les îles Malouines (35,7 pour cent), au Liechtenstein (26,9 pour cent) et en Autriche (18,5 pour cent) (FiBL et IFOAM 2011). Au niveau mondial, la superficie des terres agricoles biologiques a augmenté dans toutes les régions, au total de près de trois millions d'hectares, soit neuf pour cent, par rapport aux données de 2007. Depuis 1999, les terres agricoles biologiques ont plus que triplé.
5 FiBL et IFOAM (2011) : Le monde de l'agriculture biologique 2011. Statistiques et tendances émergentes. Publié par Helga Willer et Lukas Kilcher : Fédération internationale de l'agriculture biologique (IFOAM), Bonn, et Institut de recherche en agriculture biologique (FiBL), Frick.
Plus d'un tiers des producteurs biologiques se trouvent en Afrique
Près des deux tiers des terres agricoles sous gestion biologique sont des prairies (37,2 millions d'hectares). Avec un total d'au moins 5,5 millions d'hectares, les terres arables constituent 15 % des terres agricoles biologiques. Les cultures permanentes représentent environ 6 % des terres agricoles biologiques, soit 2,4 millions d'hectares. Les pays comptant le plus grand nombre de producteurs sont l'Inde (677 300 producteurs), l'Ouganda (187 900) et le Mexique (128 900). Plus d'un tiers des producteurs biologiques se trouvent en Afrique. En plus des terres agricoles, il existe 41,5 millions d'hectares de zones biologiques de collecte de produits sauvages et de terres pour l'apiculture. Les autres zones biologiques comprennent les zones d'aquaculture (0,43 million d'hectares), les forêts (0,06 million d'hectares) et les terres non agricoles pâturées (0,26 million d'hectares).
Production biologique africaine : Plus de deux millions d’hectares
La demande mondiale en produits biologiques représente une énorme opportunité pour les agriculteurs africains, car elle leur permet d’accéder à des marchés domestiques et étrangers de plus grande valeur et fournir à leur famille un régime plus riche et varié. C’est la raison pour laquelle la production biologique s’est considérablement développée en Afrique :
- En Afrique, en 2019, plus de deux millions d’hectares étaient certifiés bio. La surface agricole biologique était deux fois plus grande qu’en 2009.
- À l’échelle mondiale, l’Afrique représente 3 pour cent de la surface agricole biologique totale.
- Les pays qui comportent le plus de surfaces biologiques sont la Tunisie (2018: 286’623 hectares), la Tansanie (2017: 278’467 hectares), l’Éthiopie (2019: 221’189 hectares) et l’Ouganda (2016: 183’598 hectares).
- Les plus grandes proportions de terres biologiques se trouvent à Sao Tomé-et-Principe (24,9 pour cent), en Sierra Leone (4 pour cent) et en la Réunion (3,1 pour cent).
- Des augmentations substantielles ont été enregistrées dans des pays comme la Sierra Leone (+71 512 hectares) et l'Éthiopie (+22 783 hectares).
- En 2019, il y avait 850 000 producteurs certifiés biologiques en Afrique.
- Les agriculteurs biologiques d’Afrique produisent diverses cultures. Leur gamme s’étend des cultures de rente telles que le café, le cacao, le thé, le coton, le sésame ou les olives, aux fruits transformés et à l’huile végétale, en passant par tout le reste, par exemple les fruits frais et les légumes ou le miel.
- En plus du million d’hectares de terres agricoles certifiées biologiques, 16,4 millions d’hectares sont consacrés à des zones biologiques d’apiculture, de forêt et de récolte à l’état sauvage (2009).
Séance de brainstorming : Situation de l'agriculture biologique en Afrique
Engagez les participants dans une brève discussion sur les faits et les chiffres donnés ci-dessus. Laissez-les élaborer et partager leurs idées sur la base des questions suivantes :
- Pourquoi la production biologique augmente-t-elle dans le monde entier, y compris en Afrique ?
- Pourquoi les marchés biologiques sont-ils concentrés en Europe et en Amérique du Nord ?
- Pourquoi la production biologique se développe-t-elle plus rapidement dans certains pays africains comme l'Ouganda et pas dans d'autres ?
- Quelle est la situation de la production biologique dans votre région ?
Les préoccupations croissantes des consommateurs stimulent les marchés bio
La demande en produits biologiques augmente dans presque tous les pays du monde grâce à une prise de conscience accrue du public et une meilleure disponibilité des produits. Voici pourquoi les consommateurs achètent de plus en plus de produits bio :
Ils veulent acheter des aliments fiables qui sont produits sans pesticides ;
Ils apprécient la nourriture qui encourage des pratiques de production agricole durable, en particulier la biodiversité (p. ex. les espèces animales et végétales rares, la diversité des plantes et des animaux) ;
Ils se préoccupent du bien-être animal ;
Ils veulent savoir d’où vient leur nourriture et en quoi sa production est bénéfique aux producteurs et à l’environnement ;
Ils préfèrent les produits qui contribuent à atténuer les effets du changement climatique.
La plupart des consommateurs prêtent aux produits bio de nombreuses vertus – qui varient selon les groupes de consommateurs dans et entre les pays. Dans tous les cas, les consommateurs ne sont pas tous cohérents dans leur perception et leur comportement d’achat : ils s’attendent à acheter des produits biologiques de haute qualité mais pas à payer un prix adéquat, donc plus élevé, pour ces produits.
Où peut-on s’informer sur les marchés, contacts et potentiels commerciaux ?
Les informations sur le marché biologique doivent être validées chaque année. C’est pourquoi les agriculteurs, transformateurs, négociants, ONG et autres acteurs de la chaîne commerciale doivent savoir où trouver des informations pertinentes pour leur contexte et comment interpréter ces informations :
Organismes de certification – La certification est un outil de marketing : son rôle dans la chaîne de valeur biologique est de garantir que le consommateur obtienne une qualité bio lorsque les produits sont labellisés comme tels. Les organismes de certification inspectent et certifient chaque année la production, la transformation et la vente de produits agricoles tout au long de la chaîne agroalimentaire. Ils jouent un rôle important pour instaurer la confiance et garantir la qualité des produits. Bien souvent, les certificateurs servent également de référence pour l’interprétation des standards et sont une source d’informations importante lors du lancement d’un projet.
Mouvements nationaux d’agriculture biologique (NOAM) – Les Mouvements nationaux d’agriculture biologique sont des organisations du secteur privé qui représentent les intérêts de l’industrie biologique dans un pays. Ils fournissent également des services tels que le conseil, les renseignements sur le marché, la coordination du marché et l’organisation des agriculteurs, groupes d’agriculteurs et groupes de partenaires multiples. Ils fournissent les coordonnées de personnes, d’institutions et d’autorités impliquées dans le secteur bio et peuvent encadrer des agriculteurs dans leur conversion au mode de production biologique. Les NOAM ne sont pas représentés de façon homogène dans tous les pays africains. Dans certains pays, leur rôle est crucial pour offrir de nombreux services au secteur biologique (p. ex. en Ouganda), alors que dans d’autres, ils n’existent pas encore (comme en Tunisie).
Les ONG impliquées dans le développement de marchés locaux sont également des partenaires précieux. Elles peuvent aussi aider à trouver les renseignements préliminaires sur les marchés domestiques et étrangers.
Sites internet
- www.africa-organic.net Le Répertoire de ressources sur l’agriculture biologique comprend :
Des ressources liées au marché (p. ex. adresses d’acteurs du marché, informations concernant le marché) ;
Des réglementations et statistiques nationales (p. ex. statistiques sur les cultures et les marchés, standards et réglementations, exigences phytosanitaires) ;
Une liste de liens avec des sources clés d’informations (p. ex. marchés et certification).
- Centre de promotion des importations (CBI) www.cbi.eu
- Greentrade www.greentrade.net
- Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) www.ifoam.org
- ITC Centre du commerce international : Marché des produits biologiques www.intracen.org/organics
- Liens liés au biologique www.organic-market.info
- Organic Monitor www.organicmonitor.com
Dans tous les cas, on peut recueillir des renseignements très utiles au niveau local en communiquant avec les autres acteurs impliqués dans la production et le marketing bio. Les producteurs, négociants, prestataires de services locaux (ONG et chercheurs) et détaillants disposent assurément d’informations extrêmement importantes, au-delà des statistiques. Leurs contacts ne servent pas qu’à fournir des renseignements pertinents, ils peuvent également ouvrir des portes et permettre ainsi la création de vraies relations commerciales.