Établissement dʼune nouvelle plantation de cacao
Lʼhabitat naturel du cacaoyer est la forêt tropicale humide dʼAmérique du Sud et centrale, où lʼarbre pousse principalement dans les forêts alluviales, dans la zone dʼinfluence des cours dʼeau. Les inondations annuelles et les vitesses de vent plus élevées au-dessus de lʼeau mènent à un rajeunissement régulier de ces écosystèmes. Avec une hauteur pouvant atteindre 9 m, le cacaoyer est un petit arbre de la strate inférieure de la forêt primaire. Il est associé à des espèces dʼarbres très diverses constituant une structure forestière stratifiée et fournissant un apport élevé constant en matière organique, lorsque les arbres de la strate supérieure, comme le cotonnier Ceiba pentandra, perdent leur feuillage pendant quelques semaines ou mois. La pénétration accrue de la lumière à travers la canopée induit la floraison des cacaoyers de la strate inférieure.
Système agroforestier séquentiel
Les processus vitaux sont très dynamiques et ils sont soumis à un flux incessant dʼénergie, dʼeau et de nutriments. Dans la nature, ces processus se déroulent en permanence et permettent le développement dʼécosystèmes dynamiques et stables. En raison des particularités de leur climat, de leur topographie et de leur sol, les forêts tropicales humides abritent une flore et une faune très diverses, parfaitement adaptées aux conditions de ces régions. La régénération, le rétablissement et la rénovation de ces systèmes sʼeffectuent par le biais de processus séquentiels. Dans le cadre de ces processus, chaque espèce occupe, pendant un certain temps, un espace donné dans lequel elle contribue à améliorer et à optimiser les conditions environnantes, donnant naissance à un système diversifié et plus complexe. En général, on peut distinguer les phases suivantes (chacune correspondant à une strate précise dans la structure multistrate) :
Phase 1 - Phase pionnière : après la suppression de la canopée, le sol de la forêt est couvert de plantes pionnières en quelques semaines. Ces espèces pionnières ont un cycle de vie court, de quelques mois seulement. La composition des espèces dépend des conditions du site telles que le type de sol, la pente, le rayonnement solaire et les précipitations.
Phase 2 - Phase de forêt secondaire (jusquʼà 15 ans) : une multitude dʼespèces dʼarbres aux cycles de vie différents et de hauteurs diverses germent en même temps que les espèces pionnières. Au cours de cette phase, certaines espèces dʼarbres à croissance rapide dominent les essences pionnières après 1 ou 2 ans. Le dynamisme de ces espèces à croissance rapide stimule le développement de toutes les autres espèces du système. La forte production de biomasse qui en résulte améliore la dynamique du sol et donc le recyclage des nutriments et de la matière organique.
Phase 3 (jusquʼà 80 ans) - Phase de forêt secondaire : cycle moyen et long : cʼest au cours de cette phase que se développent les essences forestières caractéristiques du site, qui peuvent atteindre jusquʼà 80 ans.
Phase 4 - Forêt primaire : toutes les phases précédentes conduisent en dernier lieu à la prédominance des espèces dʼarbres qui caractérisent la forêt primaire mature, avec des espèces dont le cycle de vie peut sʼétendre sur des siècles, voire des milliers dʼannées. La plupart des espèces dʼarbres exploités pour le bois dʼœuvre appartiennent à la forêt primaire
Sélection de conditions de culture favorables
À lʼorigine, le cacao était cultivé dans la forêt tropicale, où les précipitations sont élevées et bien réparties, avec seulement une courte saison sèche. Or, celle-ci est importante pour limiter la propagation des maladies fongiques, notamment la pourriture brune des cabosses. Les plants de cacao peuvent tolérer des périodes sèches plus longues, de 3 à 4 mois, en conditions agroforestières équilibrées. En revanche, une pénurie dʼeau importante entraîne la chute des feuilles et le dépérissement (die-back). La plage de température optimale se situe entre 25 et 28 °C. Des températures basses inférieures à 10 °C endommagent les jeunes pousses, tandis que de longues périodes de températures élevées supérieures à 30 °C affectent la physiologie des cacaoyers. Le cacao est cultivé avec succès à des altitudes plus élevées près de lʼéquateur, notamment en Ouganda à 1400 m dʼaltitude. Les vents violents pouvant endommager sévèrement le cacao, il convient dʼéviter les zones fortement exposées au vent.
Pour développer un bon système racinaire, les cacaoyers requièrent un sol profond, suffisamment riche en matière organique et bien drainé. Le cacao ne tolère pas les sols hydromorphes et mal aérés. Un pH moyen du sol (entre 5,0 et 7,0) est préférable.
Établissement dʼun système agroforestier à base de cacaoyers
En tenant compte et en tirant parti des principes qui sous-tendent les systèmes agroforestiers séquentiels, il est possible dʼobtenir une production agricole abondante sans avoir à lutter contre les ravageurs et les maladies. Dans la forêt comme dans un système agroforestier séquentiel bien établi, chaque espèce occupe une niche qui lui est propre et remplit ainsi une fonction écophysiologique particulière au sein du système. Un équilibre dynamique finira par sʼétablir, avec globalement peu de gains ou de pertes parmi les espèces constituantes.
Un système agroforestier dynamique permet à une grande diversité de cultures ayant des cycles de vie différents de pousser à côté des cacaoyers. La sélection et lʼassociation des cultures dépendent des caractéristiques du sol, des opportunités commerciales et des préférences alimentaires de lʼagriculteur. Les cultures suivantes peuvent être associées ou plantées avec le cacao le même jour :
Espèces pionnières (cycle de quelques mois) : maïs/sorgho (1 m x 1 m), haricot, riz (0,4 m x 0,4 m), patate douce (3 m x 3 m) ou gingembre (1 m x 1 m) ;
Espèces secondaires (cycle de 2 ans max.) : pois dʼAngole (0,5 m x 0,5 m), manioc (2 m x 1 m) ;
Espèces secondaires (cycle de 5 ans max.) : ananas (0,4 m x 2 m), papaye (3 m x 3 m) ;
Espèces secondaires (cycle de 10 ans max.) : banane, orange (6 m x 6 m) ;
Espèces primaires (cycle de plus de 10 ans) : arbres pour le bois dʼœuvre, arbres fruitiers (12 m x 12 m), cacaoyers (3 m x 3 m).
Lorsquʼils sont adéquatement associés, les plantes et les arbres peuvent pousser en parallèle, à des densités équivalentes à celles des monocultures, sans aucune concurrence en raison des différences de tolérance à lʼombrage, de cycle de vie et de strate.
Discussion sur les cultures intercalaires et les arbres appropriés
Demandez aux agriculteurs quelles cultures vivrières, quelles cultures de rente et quelles espèces indigènes d'arbres forestiers ils choisiraient d'associer au cacao. Laissez-les identifier les cultures et les arbres dans les différentes catégories et résumer les combinaisons les plus appropriées dans un tableau comme indiqué sur le transparent.
Préparation dʼun matériel de plantation de bonne qualité
a. Sélection de variétés adaptées
LʼAmelonado est le type de cacao le plus cultivé en Afrique. Il existe cependant de nombreuses variétés de cacao, y compris des hybrides. On peut distinguer trois grands groupes de cacao, chacun comportant plusieurs variétés et souches :
Le Forastero est le plus cultivé (80 % de la superficie totale consacrée au cacao). Il donne des rendements élevés, mais il a peu de goût. La variété Amelonado est auto-compatible.
Le Criollo a un goût puissant et raffiné et une qualité supérieure, mais les rendements sont faibles. Par conséquent, il est rarement cultivé. Il est exigeant en matière dʼhabitat.
Le Trinitario est un hybride des types Forastero et Criollo. Il est plus rustique et plus productif que le Criollo. Il représente environ 10 à 15 % de la production mondiale totale et peut féconder des espèces auto-incompatibles dʼautres groupes.
Pour sélectionner le type et la variété de cacao les mieux adaptés aux conditions locales, il convient de demander conseil aux cacaoculteurs, aux agents de vulgarisation ou à la station de recherche de la région. Les variétés sélectionnées doivent avoir un bon rendement dans les conditions climatiques locales, une sensibilité limitée aux maladies et aux ravageurs communs, et produire la qualité requise en fonction de la demande du marché.
b. Multiplication du matériel de plantation
Le cacao peut être planté par semis direct ou élevage de plantules à partir de semences ou de parties végétatives.
Recommandations aux agriculteurs pour la production de plantules :
Identifiez les cacaoyers qui ont eu des rendements élevés et réguliers pendant plusieurs années. Les arbres doivent être sélectionnés de préférence dans la région où les plantations vont être établies. Veillez à ce que la plupart des arbres adjacents soient de type et de qualité identiques afin de vous assurer que les semences sont de même qualité.
Ne récoltez que des cabosses saines et matures. Les semences hybrides de bonne qualité obtenues auprès des stations de recherche locales peuvent également être utilisées pour la production de plantules.
Pour la pépinière de cacao, assurez-vous que lʼombrage est suffisant, lʼeau est disponible en abondance et la protection contre le vent est adéquate.
Plantez les fèves fraîches des cabosses mûres directement dans des sacs en polyéthylène noirs (technique habituelle).
Une terre de surface loameuse fertile est idéale. Il est recommandé de préparer un mélange de sol spécial pour la pépinière, composé de 40 % de terre de surface, 30 % de compost et 30 % de sable. Les différents composants doivent être soigneusement mélangés et transférés dans les sacs en polyéthylène noirs. À défaut de sacs en polyéthylène, il est possible dʼutiliser des sacs fabriqués de façon artisanale avec des matériaux locaux tels que des feuilles de palmier ou des fibres de banane. La taille des sacs doit être dʼenviron 10 cm x 25 cm. Un ombrage initial relativement dense est recommandé (plus de 50 %). Cependant, lʼombrage doit être diminué au fur et à mesure de la croissance des plantules. En dehors de lʼarrosage, les plants en pépinière nʼont pas besoin de beaucoup dʼattention. Cependant, un arrosage trop abondant peut favoriser les attaques fongiques. Les plantules peuvent être conservées en pépinière jusquʼà 6 mois.
Recommandations aux agriculteurs pour le greffage :
Les plantules sont prêtes à être greffées avec dʼautres variétés souhaitées lorsquʼelles atteignent environ 50 cm de hauteur et 8 à 10 mm de diamètre.
Les greffons doivent être sélectionnés parmi des plants sains de qualité supérieure, bien adaptés aux conditions locales. Les arbres qui montrent une tolérance aux ravageurs et aux maladies sont préférables.
Les greffons doivent mesurer environ 10 cm, posséder au moins 3 bourgeons et être de la même taille que le porte-greffe. Les greffons doivent être récoltés et placés dans un sac plastique refermable après avoir été entièrement effeuillés.
Pour le greffage, une incision en biseau est effectuée sur le greffon de manière à ce quʼil sʼinsère parfaitement dans la fente en biseau réalisée sur la tige du porte-greffe.
Le greffon et le porte-greffe sont ensuite fixés verticalement lʼun à lʼautre avec un film en polyéthylène ou un élastique.
Recouvrez les plantules greffées dʼune feuille de polyéthylène transparente pour favoriser une pousse rapide du greffon.
Dès que les bourgeons du greffon commencent à se développer, retirez lentement la feuille et laissez les plantules pousser dans une zone ombragée.
Travail de terrain : Evaluation d'une plantation de cacao
Emmenez les agriculteurs dans une plantation de cacao et analysez les aspects suivants de la plantation en travaillant en groupes :
- La diversité végétale
- Sol et végétation (spontanée) du sol, matière organique
- Aspect général des cacaoyers tels que la hauteur et la densité de la canopée, la couleur des feuilles, la taille des fruits, les signes d'attaques de parasites et de maladies, les plantes parasites ou épiphytes sur les cacaoyers, etc.
- Quels aspects de la plantation peuvent être améliorés et comment ?
Préparation du sol
Différentes pratiques de préparation du sol sont utilisées en fonction de la pente, de la culture précédente ou de lʼutilisation antérieure du site, de la végétation existante et dʼautres facteurs. Il nʼest pas recommandé de brûler la végétation pour préparer le sol. Il faut plutôt dégager le terrain en fauchant, en coupant ou en déchiquetant les végétaux durs, puis en les répartissant de façon homogène à la surface du sol.
Plantation
Le cacao ayant besoin dʼun bon ombrage, toutes les autres cultures associées au cacao devront être plantées avant ou en même temps que ce dernier. Si la zone présente une croissance naturelle, certains arbres doivent être laissés sur pied pendant la préparation du sol. En revanche, les arbres à croissance rapide qui fourniront rapidement de lʼombrage, comme les bananiers, les papayers ou les ricins, doivent être plantés avant le cacao. Lʼactivité biologique du sol doit être maintenue en assurant une couverture végétale suffisante pour favoriser le développement immédiat des mycorhizes du cacao.
Dans le cas dʼun semis direct, trois fèves de cacao sont plantées dans les trous de plantation à une distance dʼun mètre. Après 2 à 3 ans, les plants les plus robustes et les mieux formés sont sélectionnés afin de poursuivre leur croissance. Cette méthode donne de bons résultats et nécessite peu de main-dʼœuvre. Cependant, elle requiert une grande quantité de semences et est associée à un risque considérable de dégâts causés par les rongeurs. Cʼest pourquoi la plupart des cacaoyers sont plantés en utilisant des plantules élevées en pépinière.
Lʼécartement entre les plants de cacao varie en général fortement selon les traditions. Il peut varier entre 2,5 m x 2,5 m (1600 plants par hectare) et 5 m x 5 m (400 plants par hectare). Lʼécartement des cacaoyers dépend largement des cultures associées. Bien quʼun écartement plus étroit produise généralement des rendements plus élevés au cours des premières années suivant la plantation, une fois la canopée formée, la plantation devient dense. Les plants de cacao peuvent également être plantés plus serrés, puis éclaircis par la suite. En particulier dans des conditions de forte humidité, il est conseillé dʼéclaircir la canopée pour réduire les risques dʼinfestation par des ravageurs et des maladies. Un écartement modéré de 3,5 m x 3,5 m ou de 4 m x 4 m complété par un élagage régulier peut être recommandé.
Recommandations aux agriculteurs pour la plantation :
Tout dʼabord, marquez les trous de plantation avec de longs piquets, en fonction de lʼécartement choisi.
Ensuite, plantez les rhizomes de banane entre les piquets. Les distances de plantation des bananiers dépendent des variétés utilisées, des propriétés du sol et des distances de plantation du cacao. En général, on plante entre 400 et 800 rhizomes par hectare.
De jeunes plantules sont également repiquées entre les rangées de bananiers. Il convient de planter diverses essences dʼarbres des strates intermédiaire et supérieure.
Si le cacao est semé directement, lʼopération doit être effectuée en même temps que le semis de toutes les autres espèces végétales. Si les plantules de cacao sont élevées en pépinière, la plantation ne doit avoir lieu que lorsque les autres espèces dʼarbres sont en mesure de fournir un ombrage aux plants de cacao.
Les trous de plantation doivent juste être suffisamment larges pour permettre la mise en terre des plantules de cacao.