Introduction
Comme lʼigname, le manioc (Manihot esculenta) est un tubercule couramment produit en Afrique. Il peut être utilisé comme aliment, culture de rente, fourrage pour les animaux et source de matières premières industrielles. En Afrique subsaharienne, le manioc est principalement destiné à la consommation humaine sous diverses formes, de la cuisson du tubercule frais dans lʼeau bouillante à sa transformation en farine de manioc. Les tubercules de manioc constituent une source importante de glucides, tandis que les feuilles, consommées comme légumes, sont une bonne source de protéines et de vitamines. Cultivé principalement par les petits exploitants, le manioc est à la fois un aliment essentiel et une culture de rente. Selon les estimations de la FAO, le rendement moyen en tubercules frais dans les pratiques traditionnelles de culture du manioc en Afrique subsaharienne se situe entre 5 et 8 tonnes par hectare. Un chiffre nettement inférieur à sa capacité de rendement potentiel de 40 à 60 tonnes par hectare.
Les défis de la production de manioc en Afrique
Faible productivité - Bien que le manioc soit une culture importante du fait de sa polyvalence, sa production ne bénéficie pas de lʼattention requise. Les agriculteurs le plantent habituellement sur des sols très pauvres, sur lesquels éventuellement dʼautres cultures comme le maïs ont échoué. Parfois, le manioc est cultivé en association avec d’autres cultures exigeantes en nutriments comme le maïs ou le sorgho. Il joue alors le rôle de culture de relais en cas d’échec de la culture principale. Le manioc est privilégié par les petits exploitants, qui le cultivent essentiellement pour leur subsistance sur de petites parcelles fragmentées, en utilisant des outils rudimentaires. Les infections par la mosaïque du manioc, la striure brune du manioc et les cochenilles (farineuses et autres) réduisent encore le rendement de sa culture.
Pertes post-récolte élevées - Une manutention post-récolte inappropriée entraîne une qualité inégale du manioc transformé et une contamination par des champignons. Des infrastructures médiocres et inadéquates pour la mouture et le stockage, ainsi que l’insuffisance des routes d’accès, autant d’aspects essentiels à la valeur ajoutée, augmentent encore les défis de la manutention post-récolte.
Néanmoins, le manioc reste une culture intéressante, qui présente de nombreux avantages : il est facile à produire, s’adapte à des environnements très divers, nécessite une main-dʼœuvre minimale et est comparativement moins sensible aux ravageurs et aux maladies que la plupart des autres cultures. Il est donc impératif de s’attaquer aux problèmes mentionnés ci-dessus afin dʼaccroître la productivité, les débouchés commerciaux et la rentabilité de la production de manioc. Les pratiques biologiques suivantes peuvent contribuer à atteindre ces objectifs.
Évaluation de la situation de la production locale de manioc
S'enquérir auprès des participants de la production de manioc dans la région en posant les questions suivantes :
- Quelle est la perception générale du manioc en tant que culture alimentaire ? Est-il considéré comme une culture importante ?
- Dans quelles conditions est-il normalement cultivé ?
- Quels sont les avantages de la culture du manioc par rapport aux autres cultures ?
- Comment le manioc est-il utilisé dans la région ?
Utiliser les transparents 1 et 2 pour discuter du statut du manioc avec les agriculteurs.
Sélection de variétés appropriées
Les variétés de manioc diffèrent par leur potentiel de rendement, la couleur de leur chair (blanche ou jaune), le diamètre et la longueur des tubercules, les niveaux de résistance aux maladies et aux ravageurs, le délai entre la plantation et la récolte, la qualité de cuisson et le goût. Certains cultivars nécessitent 18 mois ou plus entre la plantation et la récolte, tandis que dʼautres sont prêts à être récoltés en 9 mois. La plupart des cultivars ont été sélectionnés par les agriculteurs dans leurs conditions de culture, en fonction des rendements et des tendances culturelles. Chaque région possède ses propres cultivars, et les agriculteurs plantent en général plusieurs cultivars différents simultanément dans leur champ.
Recommandations aux agriculteurs pour la sélection de cultivars appropriés :
Les meilleures variétés de manioc sont celles que les consommateurs préfèrent et qui poussent rapidement, produisent des rendements satisfaisants, se conservent bien sur pied et sont tolérantes aux principaux ravageurs et maladies, autant de critères essentiels pour lʼagriculteur. Les critères suivants pourraient être utiles à la sélection de variétés de manioc pour la production biologique :
Bonne adaptation aux conditions locales - Pour savoir quelle variété poussera bien dans votre région, il est important de connaître les conditions générales de culture du manioc, notamment la durée de la saison des pluies, ainsi que les maladies, les ravageurs et les adventices les plus répandus. Ces informations permettent de déterminer les caractéristiques dont une variété a besoin pour être performante.
Variétés à forte teneur en matière sèche et de bonne qualité alimentaire - Les variétés de manioc dont les tubercules ont une teneur en matière sèche de plus de 30 % sont réputées donner des produits de bonne qualité et sont donc plus rentables pour la transformation.
Adaptabilité à différents usages - La variété de manioc sélectionnée doit être adaptée à de multiples usages tels que lʼalimentation humaine, lʼalimentation animale ou la transformation industrielle. Les variétés généralement privilégiées sont celles dont les tubercules sont savoureux pour la consommation domestique, qui se conservent bien à des fins de transformation et qui produisent suffisamment de feuillage pour les animaux.
Tubérisation précoce - Les variétés qui présentent une tubérisation précoce (gonflement des racines tubéreuses) sont mieux à même de concurrencer les adventices notamment que les variétés à maturation tardive et conviennent aux régions plus sèches où les précipitations sont de courte durée.
Bonne conservation sur pied - Certains agriculteurs préfèrent les variétés dont les tubercules se conservent bien pendant une longue période après avoir atteint la maturité physiologique. Une bonne conservation sur pied laisse davantage de temps pour la récolte, ce qui réduit la durée des problèmes de stockage post-récolte des racines fraîches.
Résistance aux adventices, ravageurs et maladies endémiques - Les variétés tolérantes aux maladies et aux ravageurs prévalant dans la région sont à privilégier.
Partage des connaissances sur la sélection de cultivars de manioc appropriés
Notez les cultivars courants cultivés dans la région et faites participer les participants à la discussion sur les différences entre ces cultivars en ce qui concerne leur adaptation aux conditions locales, la forme, la taille et l'utilisation des tubercules, leur adaptabilité aux exigences de la transformation et du marché, leur résistance aux parasites, aux maladies et aux mauvaises herbes locales, leur rendement et leur disponibilité.
Sélection d’un site de plantation approprié
Le manioc est tolérant à la sécheresse et peut être cultivé sur la plupart des sols, même sur des sols pauvres où la plupart des autres cultures échouent. Cependant, on obtient les rendements les plus élevés dans les régions caractérisées par des sols limoneux bien drainés, des précipitations annuelles bien réparties (1000 à 1500 mm) et des conditions climatiques chaudes et humides uniquement. Le meilleur site pour planter le manioc est un terrain plat ou en pente douce. Les pentes raides sont vulnérables à lʼérosion et ne sont donc pas très adaptées à la culture du manioc. Les vallées et les zones de dépression ne sont pas non plus recommandées, car elles sont sujettes à l’engorgement en eau. Le manioc est sensible à l’engorgement et les sols lourds ne permettent pas aux racines de proliférer et de se développer correctement.
Préparation adéquate du sol et du lit de semence
Dans la culture du manioc, il est important de travailler la terre afin dʼameublir le sol, dʼaméliorer son drainage et de faciliter le développement des racines. Le travail du sol requis pour le champ de manioc dépend principalement du type de sol et du drainage du site choisi pour sa culture. Dans les zones aux sols peu profonds ou argileux et mal drainés, il est important de confectionner des buttes ou des billons sur lesquels planter le manioc pour favoriser un meilleur développement des racines et accroître les rendements. Dans les sols sablonneux, un travail minimal et la plantation du manioc à plat dans le sol sont des méthodes plus appropriées, car le sol est suffisamment meuble pour permettre le développement des racines.
Préparation d’un matériel de plantation de bonne qualité
Le manioc cultivé se multiplie essentiellement par bouturage (avec des morceaux de tige). Autrement dit, le développement du manioc et les rendements dépendent de la qualité des boutures de tige. Un certain nombre de ravageurs et de maladies du manioc sont véhiculés par la tige. Par conséquent, la sélection de boutures de tige saines réduira considérablement la propagation et les dégâts causés par les ravageurs et les maladies.
Recommandations aux agriculteurs pour la sélection de boutures de tige de manioc adaptées :
Sélectionnez le matériel de plantation sur des plants de manioc sains, à haut rendement, âgés de 8 et 18 mois. Les plants de manioc sains ont des tiges et des branches robustes, un feuillage luxuriant et leurs tiges et leurs feuilles sont peu endommagées par les ravageurs et les maladies.
Sur chaque plant, sélectionnez comme bouture la partie centrale de couleur brune de la tige. Les tiges doivent avoir une épaisseur de 2 à 4 cm. Ces parties germent et assurent la vigueur de la plante, mieux que les parties supérieures vertes des tiges. Les boutures prélevées sur les extrémités vertes ou sur les parties supérieures et inférieures des tiges ne conviennent pas. En effet, elles se déshydratent rapidement, produisent des pousses maladives et sont facilement endommagées par les ravageurs et les maladies.
Attachez les tiges sélectionnées en fagots et attendez au moins 10 jours avant de les planter. Les tiges récoltées peuvent être stockées pendant plus de 2 mois dans un lieu sec, bien aéré, ombragé et à lʼabri de la lumière directe du soleil, jusquʼau moment de la plantation. Une méthode simple de stockage des tiges consiste à les disposer verticalement sous un arbre ombragé et à enterrer la partie la plus ancienne de la tige. Le sol doit être humide pour garder les tiges « vivantes » à mesure que des feuilles apparaissent sur la partie supérieure. Après le stockage, éliminez les parties supérieures et basales des tiges et utilisez la partie centrale comme bouture. Une autre méthode, principalement utilisée par temps froid, consiste à stocker les tiges dans des tunnels souterrains, qui sont protégés de lʼeau. Les tiges sont placées à lʼintérieur du tunnel sur une couche de paille sèche, puis recouvertes dʼune autre couche de paille et de terre.
Discussion sur la préparation du matériel de plantation
Laissez les agriculteurs expliquer comment ils préparent leurs boutures de manioc en fonction de leurs conditions locales. Comment stockent-ils les boutures de manioc pour les planter plus tard ? Identifiez les défauts des méthodes utilisées et présentez les recommandations ci-dessous.
Plantation correcte des boutures de tige de manioc
Afin dʼobtenir une germination et une croissance optimales des boutures de tige de manioc, il est important de les planter correctement. Cʼest pourquoi il est recommandé de tenir compte des points suivants :
Sélection de la période de plantation appropriée - La plantation précoce du manioc, au début de la saison des pluies, assure une germination saine et un bon établissement de la plante. Cela lui permet de résister aux attaques des maladies et des ravageurs qui surviennent plus tard dans la saison.
Préparation et manipulation appropriées des boutures de tige - Les tiges doivent être coupées de manière à ce que chaque bouture mesure entre 20 et 30 cm de long et comporte environ 5 à 8 nœuds, dʼoù sont issues les racines et les pousses. L’intervalle entre la coupe des tiges et la plantation doit être aussi court que possible pour éviter la déshydratation et un résultat médiocre. Le trempage des boutures de tige dans lʼeau chaude (50 ºC) en mélangeant des volumes égaux dʼeau bouillante et dʼeau froide pendant 5 à 10 minutes juste avant la plantation prévient les attaques de ravageurs de la tige.
Technique de plantation adaptée au type de sol - Les boutures de manioc peuvent être plantées à la main verticalement, en oblique (inclinées) ou horizontalement, en fonction des types de sol. Plus le sol est sec, plus la bouture est enterrée profondément. La méthode de plantation verticale convient mieux aux sols sablonneux et consiste à planter les boutures verticalement, les deux tiers de la longueur de la bouture étant enterrés. La plantation oblique est plus adaptée aux sols limoneux et consiste à planter les boutures de tige verticalement, selon un angle au minimum légèrement supérieur à l’horizontale, mais ne dépassant pas 45° environ. La plantation horizontale est recommandée pour les climats secs et consiste à placer la bouture de tige entièrement à lʼhorizontale dans le sol, à une profondeur dʼenviron 5 à 10 cm.
L’écartement entre les plants de manioc dépend de plusieurs facteurs tels que la variété utilisée, le type de sol, la fertilité du sol et la disponibilité en eau. Il varie également selon que le manioc est cultivé seul (monoculture) ou associé à dʼautres cultures (culture intercalaire). Si le manioc est cultivé seul, une distance d’un mètre entre les plants doit être envisagée. Si le manioc est cultivé en association avec d’autres cultures, la distance entre les cultures doit être comprise entre 1 et 4 mètres, en fonction du type de ramification du manioc et des autres cultures, afin de sʼassurer que les plants ont suffisamment dʼespace.
Discussion sur la plantation correcte du manioc
Renseignez-vous auprès des agriculteurs sur la façon dont le manioc est planté localement. A quelle période de l'année est-il planté et pourquoi ? Comment est-il planté ?
Culture intercalaire
Le manioc ayant un développement initial lent, la culture intercalaire pendant les premiers stades de son développement est réalisable et permet de réduire lʼérosion du sol. Cependant, les agriculteurs doivent savoir que le manioc est un concurrent médiocre et que des cultures intercalaires hautes comme le maïs peuvent facilement lui faire de l’ombrage. Par conséquent, il est important de prendre en compte les habitudes de ramification du manioc et des autres cultures dans le système intercalaire et de sʼassurer quʼil y a suffisamment dʼespace pour les deux cultures. En outre, le manioc peut souffrir de la concurrence des cultures intercalaires pour les nutriments et/ou lʼeau. Une attention doit donc être accordée aux espèces de culture intercalaire qui ont des systèmes racinaires et des besoins en nutriments différents.
Les agriculteurs cultivent généralement le manioc dans des systèmes mixtes simples ou complexes, en association avec des légumes comme lʼamarante et le gombo, des cultures commerciales comme la noix de coco, le café et le maïs et des légumineuses comme le niébé et l’arachide. Le modèle de culture intercalaire dépend des conditions environnementales, des préférences alimentaires et des débouchés commerciaux dans la région.
Les systèmes mixtes simples consistent en l’association de deux cultures arables seulement. Les agriculteurs les choisissent pour leurs différences en termes de type de croissance et de temps de maturation. Ainsi, le manioc, qui est une culture à cycle long (maturité à 9 à 18 mois), est souvent cultivé en association avec des cultures à cycle court (2 à 5 mois) telles que le maïs, le niébé, lʼarachide, le gombo et le melon. Ces cultures arrivent à maturité lorsque le manioc atteint tout juste le pic de son développement foliaire, ce qui permet la croissance des tubercules sans concurrence. Dans les systèmes mixtes complexes composés de trois ou quatre cultures, de bons rendements ont été obtenus avec les associations suivantes :
- maïs / manioc / melon
- maïs / arachide / manioc
- maïs / manioc / gombo / niébé
- maïs / igname / manioc
- maïs / haricots / manioc
Les systèmes mixtes complexes améliorent la suppression des adventices, réduisent la température du sol, retiennent davantage lʼhumidité dans la couche arable et produisent plus de matière organique que la monoculture ou les systèmes mixtes simples. Les pertes dʼéléments nutritifs dues à lʼérosion sont moins importantes dans les systèmes mixtes complexes que dans les monocultures.