Introduction
La gestion d’une ferme biologique poursuit le même objectif sous-jacent que toute autre entreprise : elle vise à augmenter les bénéfices pour l’agriculteur/agricultrice ou le groupe d’agriculteurs. Cela se fait généralement en suivant deux approches. Premièrement, les agricultrices et agriculteurs biologiques se concentrent sur la réduction des dépenses en optimisant l’utilisation des ressources propres de la ferme. Deuxièmement, ils mettent l’accent sur la réduction au minimum des risques liés à la production et des risques financiers qui pourraient être causés par les stress climatiques, les attaques de ravageurs et de maladies ou les fluctuations des prix.
L’une des ressources les plus précieuses d’une ferme biologique est la fertilité de ses sols, car elle assure la productivité à long terme de la ferme. Une bonne diversification des cultures et des produits d’origine animale améliorera les opportunités de marché et aidera à réduire les risques liés à la production et les risques financiers. En tant que gestionnaire de l’entreprise agricole, l’agriculteur ou l’agricultrice se trouve au cœur de toutes les activités de la ferme. Il ou elle détermine les objectifs de développement de la ferme et ses performances futures, et prend des décisions sur les denrées à produire, le lieu de production, la quantité, les méthodes de production, les lieux et les modalités de vente, etc. Toutefois, pour prendre les bonnes décisions, il ou elle doit évaluer au plus juste les ressources et le potentiel de la ferme ainsi que les dépenses, les rendements et les profits résultant des activités agricoles. Cette étape sera suivie d’un processus continu et cyclique de planification, d’organisation et de suivi des activités de la ferme. L’agriculteur ou l’agricultrice a donc continuellement besoin de nouvelles informations et connaissances qu’il ou elle peut acquérir en assistant à des formations, mais aussi au gré de rencontres et de discussions avec d’autres agriculteurs. Cette approche lui demande en outre d’être proactif, de tester et d’utiliser de nouvelles pratiques, variétés et espèces afin de continuer à améliorer la ferme.
Principaux freins à la bonne gestion des fermes en Afrique
- Sources de revenus limitées dans les fermes - Dans la plupart des sociétés africaines, l’agriculture est pratiquée avec l’objectif premier de produire assez de nourriture pour la consommation du ménage. Tout surplus est alors vendu sur le marché. L’argent obtenu aide les agricultrices et agriculteurs à accéder aux produits et services que la ferme ne peut pas produire : vêtements, articles scolaires et ménagers, etc. Comme les fermes familiales africaines tendent à être petites et à ne cultiver qu’un choix limité de cultures, la plupart des agriculteurs ne sont pas en mesure de satisfaire tous leurs besoins essentiels grâce aux fermes. Cela s’explique par le fait qu’ils sont généralement exposés aux mêmes risques liés à la production et à la commercialisation.
- Potentiel limité d’épargne - La plupart des agricultrices et agriculteurs n’ont pas la capacité de faire des économies leur permettant d’investir dans l’amélioration à long terme des conditions de production. Le revenu issu de la production est plutôt dépensé pour répondre aux besoins ménagers liés à la nourriture, à l’éducation, aux soins de santé et aux activités sociales (mariages, funérailles). Il reste donc peu ou pas d’argent pour réinvestir dans les activités de la ferme.
- Prise de décision communautaire - De nombreuses sociétés africaines pensent et travaillent de manière communautaire. Elles prennent les décisions agricoles ensemble, déterminant les cultures à cultiver, la période et le lieu de production et le producteur. À travers cette interaction, les agriculteurs et agricultrices apprennent les uns des autres et établissent une relation de confiance. Le revers de la médaille est qu’une telle prise de décision collective limite l’indépendance et par conséquent l’intérêt d’un agriculteur individuel à mettre en œuvre des innovations et des améliorations.
- Régime foncier/propriété terrienne - Dans de nombreuses zones d’Afrique, les agricultrices et agriculteurs ne possèdent pas les terres sur lesquelles ils produisent leurs cultures ou élèvent leurs animaux. Pour cette raison, au lieu d’investir dans une amélioration à long terme de la productivité des terres, ils ont tendance à surexploiter ces surfaces, causant des dommages substantiels dus au surpâturage et à l’exploitation minière des sols. Par ailleurs, dans ce cas, les agriculteurs ne peuvent pas utiliser les terres pour obtenir des prêts ou pour mener des activités bénéfiques à long terme comme la plantation d’arbres.
- Rareté des terres - Ce problème se pose surtout dans les zones densément peuplées disposant de peu de terres arables. Dans ces conditions, les agricultrices et agriculteurs risquent de ne pas être capables de produire assez pour vivre correctement de leurs cultures. Des systèmes de production intensifs et potentiellement plus rentables tels que la production maraîchère, l’élevage de volaille, la production de miel, etc. peuvent être limités, faute d’expérience, de connaissances et d’argent pour investir.
- Manque de main-d’œuvre - L'augmentation du nombre d’enfants allant à l’école, la migration rurale-urbaine et l’épidémie de SIDA ont conduit à la généralisation du manque de main-d’œuvre dans la plupart des zones rurales. Le problème se pose surtout dans les cultures comme le riz, le café, etc., où il y a une forte demande de main-d’œuvre, soit pendant la plantation soit pendant la récolte. Cela implique que les coûts de main-d’œuvre ont grimpé à un niveau qui pourrait ne plus être rentable pour une ferme typique.
Bien que les défis énumérés ci-dessus puissent différer légèrement entre petites et grandes fermes, leurs effets sur une bonne gestion restent les mêmes.
Ce chapitre présente des outils clés pour bien gérer une entreprise agricole. Il souligne l’importance d’une analyse approfondie de la situation de la ferme en termes de ressources disponibles, lesquelles sont absolument indispensables pour transformer la ferme en une entreprise biologique productive et rentable à court et long terme.
Discussion sur les principales limites à une bonne gestion agricole
Pour comprendre les limites communes à une bonne gestion agricole dans le contexte local, évaluez la situation locale en posant aux agriculteurs les questions suivantes, sous les différents thèmes :
Sources de revenus : Quelles sont les autres activités rémunératrices que vous pratiquez en dehors de l'agriculture ?
L'épargne : Que pensez-vous de l'épargne ?
Prise de décision : Qui prend la décision globale sur ce qui est cultivé, où, comment et par qui ?
La terre : Êtes-vous propriétaire des terres sur lesquelles vous produisez des cultures et des animaux ? Y a-t-il assez de terres pour étendre la production ?
La main-d'œuvre : Disposez-vous d'une main-d'œuvre suffisante dans vos foyers ?
Caractéristiques d’une ferme biologique idéale
L’agriculture biologique tend à gérer efficacement les ressources naturelles pour satisfaire les besoins humains, tout en maintenant la qualité de l’environnement et en préservant les ressources. L’agriculture biologique vise donc à atteindre, dans le même temps, des objectifs économiques, écologiques et sociaux :
- Objectifs écologiques : "Comment la ferme contribue-t-elle à protéger la nature et à assurer la survie d’organismes vivants ?"
- Objectifs sociaux : "Comment d’autres personnes tirent-elles profit de la ferme ?"
- Objectifs économiques : "Quel bénéfice puis-je générer à partir de la ferme ?"
Les objectifs écologiques
Les objectifs écologiques concernent essentiellement la préservation du nombre de ressources naturelles et de leur qualité. L’agriculture doit se pratiquer en symbiose avec l’environnement, de sorte à protéger le sol, l’eau, l’air, les plantes et les animaux et à améliorer leur qualité. Les agricultrices et agriculteurs biologiques accordent une attention particulière à la fertilité du sol, à la préservation d’une grande biodiversité des plantes et des animaux, et à un élevage respectueux des bêtes.
Les principaux objectifs environnementaux sont :
- La prévention des pertes et des destructions du sol causées par l’érosion et le compactage.
- L’augmentation de la teneur en humus du sol.
- Le recyclage de la matière organique de la ferme et la réduction de l’utilisation d’intrants externes.
- Lapromotion d’une diversité naturelle d’organismes, critère indispensable à l’équilibre d’un écosystème naturel.
- La prévention de la pollution du sol, de l’eau et de l’air.
- La garantie d’un élevage qui tient compte du comportement naturel des animaux.
- L’utilisation, dans la mesure du possible, d’énergies renouvelables.
Pour atteindre ces objectifs, les agricultrices et agriculteurs biologiques mettent en place des rotations de cultures, pratiquent la culture associée et la culture de couverture, plantent des haies et mettent en œuvre des systèmes d’agroforesterie. Par ailleurs, ils renoncent à l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides de synthèse et d’organismes génétiquement modifiés (OGM), lesquels se sont avérés avoir des effets négatifs sur la nature.
Les objectifs sociaux
L’agriculture biologique vise à améliorer les bénéfices sociaux pour l’agricultrice ou l’agriculteur, sa famille et la communauté en général.
Les principaux objectifs sociaux comprennent :
- La création de bonnes conditions de travail pour toutes et tous.
- La garantie d’une alimentation adéquate pour toute la famille, basée sur des aliments sains.
- La garantie d’une production suffisante pour assurer la subsistance et les revenus.
- La promotion de conditions de travail équitables et favorables pour les travailleuses et travailleurs engagés.
- La promotion de l’apprentissage et de l’application du savoir local.
Sur le plan social, au niveau du ménage, une participation équitable de tous les membres de la famille aux activités agricoles et un juste partage des bénéfices générés par ses activités sont essentiels. Au niveau communautaire, il s’agit de partager les connaissances et les expériences et de renforcer la collaboration afin d’obtenir des bénéfices plus élevés.
Les objectifs économiques
D’un point de vue économique, l’agriculture biologique vise à optimiser les bénéfices financiers pour assurer la survie et le développement de la ferme, à court et long terme. Une ferme biologique ne doit pas seulement couvrir les coûts de production, mais aussi répondre aux besoins ménagers de la famille de l’agriculteur ou de l’agricultrice.
Les principaux objectifs économiques comprennent :
- Des récoltes sûres et satisfaisantes.
- Des faibles dépenses en intrants externes et en matière d’investissement.
- Des sources de revenus diversifiées pour sécuriser de manière optimale les revenus.
- Des produits agricoles à forte valeur ajoutée grâce à l’amélioration de la qualité et la transformation des produits à la ferme.
- Une efficacité élevée dans la production pour assurer la compétitivité.
Les agricultrices et agriculteurs biologiques essaient d’atteindre les objectifs économiques en créant différentes sources de revenus provenant des activités à la ferme et en dehors de celle-ci. Généralement, ils adoptent un système mixte de production associant différentes cultures et productions animales. Ces objectifs comprennent également le fait d’être, autant que possible, autosuffisant en matière de semences, fumiers, pesticides, nourriture, fourrage et sources d’énergie, afin de réduire autant que possible les dépenses pour l’achat de produits externes à la ferme.
Travail de groupe : Dessiner une carte de la ferme indiquant les principales ressources
Montrez aux agriculteurs un exemple de carte de ferme (voir transparent 4) et expliquez-leur comment dessiner une carte de ferme. Ensuite, organisez-les en groupes de 2 à 3 personnes et donnez-leur des crayons et du papier et laissez chaque agriculteur dessiner une carte de sa ferme en indiquant les ressources clés.